Visite d'une ancienne imprimerie réhabilitée en loft

    Transformer une surface de 100m² éclairée seulement par deux fenêtres orientées Nord en un loft fonctionnel et lumineux : voici le défi qu’ont choisi de relever les architectes Julien Monfort et Laure Pantel lorsqu’ils ont fait l’acquisition d'une ancienne imprimerie naturellement peu disposée à être aménagée en habitation.


    Le bâtiment de plus de 30m d’épaisseur offrait des volumes de type industriel, excessivement profonds et mono-orientés. Composant avec les limitations du bâtiment, le loft allait s’organiser en deux plateaux rectangulaires communiquants – l’un dédié aux pièces à vivre, l’autre aux parties privatives … chacun percé d’une seule fenêtre dans la largeur du long rectangle.

    Pour la visite de ce loft aux aménagements ingénieux, conçu de manière à donner une impression de volume et de luminosité, laissons-nous guider par Julien Monfort et Laure Pantel, gérants de l’agence MOA architecture mais aussi propriétaires et résidents du loft.


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    • Un appartement facile à habiter

      « Nous voulions un appartement le plus générique possible afin qu’il soit facile à habiter (pas de problèmes d’acoustique entre zones jour et nuit, de gadgets comme des salles de bain ouvertes sur des chambres, etc) L’appartement serait d’autant plus facile à vendre le cas échéant, et nous avons reçu de nombreuses propositions d’ailleurs. » précisent les architectes, propriétaires des lieux.

      « Idem pour les matériaux. Pas de matières, ou de couleurs trop particulières qui lassent à la longue, ou que des gens puissent ne pas aimer. Il faut laisser les matériaux exprimer leur nature : béton, bois, acier, verre, etc… Pour ce faire, éviter les matériaux " à finir " ou à peindre, tels que le Placoplatre.

      Nous avons choisi de réaliser nos ouvertures, doublages et cloisons en maçonnerie, brique ou agglo, et de les enduire à l’identique des murs de pierre : avec un enduit ciment blanc très écrasé. »


    • Une grande souplesse d’aménagement

      « Pour la partie séjour-cuisine, nous avons pensé à utiliser le même mobilier (une magnifique bibliothèque de George Nelson) pour disposer les livres, la sono, le bureau (grâce à un dispositif dépliant prévu par le designer), mais aussi la partie cuisine : vaisselier apparent, réserve sèche, recyclage, condiments. La pièce, totalement libérée de ces fonctions de stockage de base, trouve une grande souplesse d’aménagement et d’usage. Organiser une soirée, une séance cinéma sur le grand canapé sur mesure, ou monter une immense table pour un grand dîner se fait en un tour de main. Changer la déco et reconfigurer le mobilier aussi. »

      Le loft se garde de toute surcharge. Pour le mobilier, du sur mesure, mais aussi quelques meubles de famille.
      « J’ai de la chance, ma grand-mère aimait Knoll, Herman Miller, et la génération Cranbrook » se souvient Laure Pantel. Le loft est donc équipé d'icônes du mobilier design : fauteuil Lounge Eames, chaises Tulip de Saarinen, fauteuil Bird de Bertoïa …


    • "Nous détestons la notion de style"

      Si le loft dégage une allure certaine, Laure et Julien se défendent de toute recherche stylistique. « Un Architecte n’est pas un décorateur, même si il peut réaliser de jolis projets. » Et de poursuivre : « Nous détestons la notion de style, ... Mais cela ne veut pas dire que nous faisons n’importe quoi. Il est possible d’agencer des éléments très disparates hors de toute notion de "style", mais il faut le faire avec attention. »

      L'inspiration qui préside à la démarche architecturale du cabinet MOA architecture prend sa source dans le monde du design d'objet. « Depuis toujours, les architectes sont fascinés par les objets conçus dans un but purement fonctionnel, sans considération esthétique : Mendelsohn et les Silos à Grains, Corbu les automobiles, ou les paquebots, sans oublier le pont-Transbordeur, Prouvé et les avions, Nouvel est les armes (F-117), etc… Nous sommes les disciples de ces gens là. » affirme l'architecte Laure Pantel.


    • Composer avec les contraintes sans sacrifier au confort

      Le loft s'organise en deux grands volumes, l’un consacré aux fonctions « jour », l’autre aux fonctions "nuit", chacun éclairé par une seule et unique fenêtre.

      « Pour la partie nuit, nous devions agencer deux chambres et une salle de bain dans un espace très profond, éclairé par une seule fenêtre sur son petit côté ! Nous avons imaginé disposer les trois pièces en enfilade, et prévu des parois de séparation translucides afin que la lumière naturelle puisse atteindre le fond du volume dans le respect de l’intimité de chaque espace. Nous l’avons fait sans concession sur le confort acoustique.

      Nous avons conçu le bloc salle de bain / sanitaires comme une caisse en contre-plaqué posée dans le grand volume. On peut en faire le tour, et elle ne touche pas le plafond afin de garder la sensation de « nef » du volume initial, et agrandir mentalement chaque espace attenant. » Ce bloc, posé entre la chambre avec fenêtre et la chambre du fond, laisse filtrer la lumière d'un bout à l'autre du volume nuit.


    • Une salle de bain aux multiples facettes

      A l'intérieur de la salle de bain, on comprend le stratagème utilisé pour ne pas entraver le passage de la lumiere naturelle. Côté bain, une vitre transparente laisse passer la lumière naturelle provenant de l'unique chambre avec fenêtre. Un rideau à enrouleur assure l’intimité nécessaire. Côté vasque, la cloison est constituée d'un double vitrage très épais qui permet de laisser filtrer la lumière jusque dans la chambre du fond sans pour autant laisser passer le bruit. Une argenture intégrée à cette cloison translucide fait office de miroir.

      Le revêtement de la salle de bain est constitué d'une résine de polyester armé de fibre de verre. « Ce matériau, mis en œuvre par un piscinier, permet de fondre murs, plafonds, sol, et mobilier intégré comme la baignoire et la douche dans un continuum de surface » précise Laure de MOA architecture. Son gros atout : ce matériau est sans joints, ce qui permet d’échapper aux raccords en silicone et autres joints de carrelage salissants et jamais très heureux.

      Le lavabo Starck-1, conçu comme un plan-vasque, a lui aussi été aussi choisi pour son absence de joints. Même démarche pour le miroir, intégré dans le verre …


    • Et si ce qui est intelligemment pensé était naturellement esthétique ?

      Dans les chambres, comme dans tout le reste du loft, le sol est enduit d'un béton lissé à l'hélicoptère, une finition en principe réservée au monde de l'entreprise.

      « C’est son savoir faire technique, mais aussi l’expertise acquise à travers d’autres projets de natures diverses – tertiaire, culturel, commercial, collectif, etc - qui donne à l'architecte la ressource pour imaginer des aménagements atypiques tirant le meilleur parti de configuration parfois difficiles. » explique-t-on chez MOA architecture.

      « Un architecte, qui connaît les prix des entreprises et dispose de vraies capacités de négociation, est aussi une source importante d’économies. Souvent, il fera intervenir des entreprises qui le connaissent déjà, ou qui travaillent par ailleurs avec lui, et pourra en tirer le meilleur rapport qualité-prix. Sans notre expérience en tertiaire et activité, pas de sol en béton lissé à l’hélicoptère au prix de l’industriel » précise Laure Pantel.

      Connaissance des matériaux et du marché de la construction, aménagements judicieux, ... Julien Monfort et Laure Pantel soulignent le rôle crucial de l'architecte dans la qualité des projets. Et puisqu'en architecture l'esthétique rejoint la qualité, cette question de Laure Pantel résume sans aucun doute la philosophie du cabinet à l'égard de la notion du beau :
      « Et si ce qui est intelligemment pensé était naturellement esthétique ? »

      Réalisation : MOA architecture


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